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Salles de concerts et festivals en France : quelles perspectives pour les prochains mois ?

Par Alban Sauty

Depuis le début de l’année, une mission commune d’information du Sénat, travaille sur l’identification des modalités qui permettraient une reprise progressive des activités culturelles en fonction du niveau de risque qu’elles présentent. A la suite de plusieurs tables rondes, la mission présidée par Bernard Jomier, vient de dévoiler un rapport dans lequel elle présente ses recommandations pour la réouverture des lieux culturels. Présentation et décryptage complet de ses premières conclusions concernant le spectacle vivant musical et les festivals.


Un constat économique édifiant malgré les aides touchées par les établissements culturels


Le secteur culturel fait partie des secteurs économiques les plus durement touchés par la crise sanitaire. A titre d’exemple selon les chiffres du Prodiss, premier syndicat patronal du spectacle vivant privé en France, le spectacle vivant musical et de variétés a enregistré une perte de 84% de son chiffre d’affaires en 2020. Certains ne disposent même plus d’une réserve de trésorie suffisante dans le cadre d’une reprise d’activité.



De plus, les communes qui gèrent de nombreux équipements culturels publics éprouvent de nombreuses difficultés pour prendre à leur charge l’intégralité des frais de ces structures tout en continuant de maintenir leurs subventions. Aussi l’accompagnement par l’Etat, dont bénéficient les établissements culturels reste globalement inférieur à leurs besoins.

Bien que des fonds aient été débloqués (voir tableau) pour aider les acteurs du spectacle vivant musical et les organisateurs de festivals, ces derniers ne permettent pas de compenser l’ensemble des pertes liées à l’arrêt de l’activité de ces établissements. Toutefois, il est à noter que la France, contrairement à certains de ses voisins européens a permis jusqu’ici d’éviter la fermeture définitive ou la faillite de certaines structures.



Des fonds captations ont permis d’encourager le livestream qui a toutefois un coût important et ne rapporte pas de bénéfices. On pense ici au Reperkusound et à l’E-Wax qui ont su se réinventer tout en proposant un spectacle de qualité. Malheureusement, la mission constate que les assurances n’ont pas joué leur rôle et ont désormais introduit des clauses d’exclusion « Covid-19 » dans leurs polices. Une décision conjuguée au report à la mi-mai des concerts-tests initialement programmés en mars à Marseille et en avril à Paris, qui explique en grande partie la vague d’annulations des éditions 2021 de nombreux festivals


Néanmoins, aujourd’hui les Français semblent prêt à cohabiter durablement avec le virus. Un récent sondage des Eurockéennes de Belfort le prouve, puisque 70% des personnes interrogées se disent favorables au port du masque et à l’obligation de présenter un test de dépistage négatif pour pouvoir profiter du festival. Enfin, l’on a désormais admis que la réouverture ne pourra être que progressive tant que la vaccination n’est pas ouverte à tous et que la situation sanitaire n’est pas sous contrôle.




Dès lors, même si tout venait à réouvrir dans les prochaines semaines, cela se ferait avec des jauges et s’accompagnerait de surcoûts induits par les mesures destinées à assurer la sécurité sanitaire du public, des personnels et des équipes artistiques et techniques. Nous aurons donc une continuité d’accumulation des pertes pour les établissements. Comme affirmé par plusieurs représentants d’institutions culturelles à l’étranger, même après réouverture de leur établissement, la crise sanitaire continue de leur coûter cher.


Enfin, n’oublions pas qu’en France, les mesures anti-terroristes en vigueur sont également à prendre en compte pour les dirigeants de festivals et de salles de spectacles. Dès lors, il faudra dans les prochains mois, composer avec une double sécurité, sanitaire et antiterroriste.

Des propositions pour une réouverture rapide et raisonnée des établissements culturels


A la lumière des auditions des représentants de salles de spectacles et de festivals, réalisées par la mission d’information, celle-ci est parvenue à tirer des propositions pour la réouverture des lieux culturels et la reprise progressive de l’activité. Nous présentons et détaillons ces dernières par types de lieux culturels.

Les propositions pour les salles de spectacles


Concernant les salles de spectacles, la mission d’information préconise leur réouverture dès la fin des restrictions du 3 avril (vers la mi-mai vraisemblablement) en format assis. Ces réouvertures devront être soumises à l’autorisation du préfet, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, afin de garantir un contrôle du protocole sanitaire présenté par l’établissement et l’adéquation de la programmation à celui-ci. La distanciation physique entre les personnes n’ayant pas réservé leur billet ensemble resterait de mise de même que le port obligatoire du masque.

Du côté des jauges, elles pourraient être fixés en fonction du volume, de la disposition et des conditions de ventilation des locaux. Enfin, la fermeture des espaces de restauration et de buvette doit coïncider avec la fermeture au niveau national ou local si le Gouvernement privilégie un déconfinement par territoire.


En ce qui concerne les concerts en jauge debout, le déroulement de multiples concerts-test dans des configurations différentes se doit être imminent afin de déterminer les conditions dans lesquelles les concerts pourraient être de nouveau autorisés. Selon la Ministre de la Culture, ils devraient avoir lieu d’ici la fin du mois voire en mai.

Cela est nécessaire d’autant que des expérimentations dans les pays voisins de la France ont démontré qu’aucun cluster n’était apparu et que pour le moment étant donné le temps d’analyse des résultats l’activité des salles en jauge debout ne pourrait reprendre qu’enseptembre 2021. Il s’agirait de ne pas voir cette date reculer.

Les propositions pour les festivals


Concernant les festivals, leur tenue est elle aussi corrélée à la réalisation des concerts-test et à l’évolution du cadre annoncé par le Gouvernement le 18 février 2021. Sur ce point, la mission d’information constate que la jauge de 5000 personnes ne repose sur aucun fondement scientifique. De même selon Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale à la faculté de médecine de l'Université de Genève : « Il n’y a pas de raison d’être assis mais la distance physique est requise de même que le port du masque. »



Toutefois, la densité favorise les risques de contamination. Une solution pourrait alors consister à confier au préfet le soin d’accorder aux festivals une autorisation au cas par cas en fonction du protocole sanitaire qu’ils présentent et de leurs engagements en matière de contrôle.

La question du passeport vaccinal


Pour la commission la présentation d’un test de dépistage négatif ou d’un certificat de vaccination devrait conditionner l’accès au festival d’autant que les festivaliers sont en majorité pour cette modalité. Cependant, l’instauration d’un passeport vaccinal n’est pas possible à ce stade de la vaccination et serait discriminatoire.



En plus de soulever un problème d’éthique, il n’est pas concevable que ce pass soit appliqué aux festivals sans l’être aux établissements d’autres secteurs comme la restauration ou certains commerces. De même cela ne permettra jamais de garantir le « risque zéro » (faux négatif, faux documents…) et un tel pass constitue un coût pour les finances publiques, dans la mesure où le dépistage de la Covid-19 est intégralement pris en charge par l’assurance-maladie.

Les propositions d’accompagnement des structures


Comme nous l’expliquions au début de notre présentation, il est important que l’Etat poursuive l’aide apportée aux festivals et aux salles de spectacles et ce même après leur réouverture. Selon la mission d’information, celui-ci pourrait accompagner les festivals jusqu’à leur redémarrage et leur bon développement sans toutefois mettre sous perfusion le secteur.



De même, comme il a pu le faire avec un fonds d’urgence pour l’investissement en matière de sécurité suite aux attentats du 13 novembre 2015, l’Etat pourrait apporter une aide aux établissements culturels pour leur permettre d’équiper leurs salles avec des systèmes d’aération et de ventilation plus adaptés. Enfin, il est important que l’Etat continue de soutenir le développement des offres numériques en reconduisant l’enveloppe pour aider aux captations de spectacle.

Conclusion


En définitive, la mission d’information fait le constat d’un secteur culturel particulièrement mis en péril par la crise sanitaire mais qui su se réinventer et trouver les ressources pour survivre. Toutefois, celui-ci doit continuer d’être soutenu par l’Etat et les collectivités territoriales et ce même après sa reprise d’activité.

Il doit aussi avoir une vision claire de l’avenir, sans toutes les incertitudes actuelles qui poussent chaque semaine de nombreuses structures à annuler leurs événements respectifs. La tenue des concerts-test le plus rapidement possible est aussi un enjeu majeur qui permettra de gommer ce flou entourant la reprise de ce secteur d’activité.



Pour conclure, la mission appelle à faire confiance aux citoyens et à leur responsabilité. Malheureusement du fait des circonstances que l’on connaît elle n’a pour le moment pas pu auditionner la Ministre de la Culture dont l’éclairage aurait été pertinent. De notre côté, on espère une reprise pour cet été car comme l’exprime Roger Karoutchi, Vice-président du Sénat et rapporteur de cette mission, « les activités culturelles sont essentielles, et même prioritaires, pour la vie sociale. »

Source : Rapport de la mission commune d’information destinée à évaluer les effets des mesures de confinement et de restrictions d’activités - Sénat - Avril 2021


Crédit Photo : Couverture : EschCollection/Getty Images. Videos : Sourdoreille, Philarmonie de Paris, Sénat
Alban Sauty Article rédigé par Alban Sauty